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Carnet de bord d'un voyageur sans retour...
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22 mai 2011

Courants marins

T. fut exactement ce dont j'avais besoin en cette fin de week-end. 

Je suis sorti vendredi soir pour tromper mon désoeuvrement, et éviter de consacrer toute ma soirée à ce deuil resurgissant alors que je n'en voulais pas. Je pense avoir tiré la tronche suffisamment d'heures, pleuré ce qu'il fallait, et commencer à plisser la page pour la tournée. Comme cette photo qui traine de lui sur le petit meuble de ma chambre à coucher. Tourné de trois quarts, le regard placide vers l'objectif, le regardant mais sans pour autant le fixer, son sac à bretelles sur le dos, son bâton de pèlerin à la main, dans un chemin qui s'enfonce en forêt, prêt à dire au revoir. Comme le mât du tarot : la dernière carte. En fait, ça fait des années que je le regarde me dire au revoir. Et tout à l'heure, en rentrant de chez T., j'ai voulu cacher cette photo. En fait, ce qui serait bien, c'est qu'elle reste là. Désormais inoffensive. De toute façon, il est déjà parti...

Du coup, l'objet de mon retour ici est passé lui aussi à la trappe. Je l'ai de façon fugace évoqué avec F. avant qu'elle ne parte en week-end. Je l'ai évoqué aussi avec E. quand je l'ai eu au téléphone. Peut-être un peu de mal à poser les mots justes. Disons que son empreinte est restée parce que, au bout d'un jour de rencontre, au bout d'une semaine, d'un mois, de trois mois, revenait l'inexorable question : où se cache le monstre dans ce que je vis avec quelqu'un ? Quand va t-il surgir du tréfonds et me broyer, et surtout comment allais-je m'arranger pour faire revivre ce qu'il y avait de plus mort en lui dans le vivant d'alors ? Ainsi son fantôme se découpait sur tout. Finalement, objet de subterfuge. Il y avait d'autres fantômes que je collais inconsciemment par-dessus. Probablement les deux monstres du passé relevaient-ils d'un seul et même pattern psychologique, finalement résumé à ces deux critères là : la baise pure -avec son lot de nymphomanie, de désir inassouvi, d'impossibilité de se donner corps et âme dans le plaisir, d'où ce don-juanisme, ce besoin de contrôle, et Dieu sait qu'à l'époque j'avais envie de me donner à contrôler, à être contrôler, à être guidé et façonné, résidus de l'éducation probablement... allié à cette focalisation qui était me donner du plaisir, et prendre son propre plaisir (leur propre plaisir) dans cette capacité qu'ils avaient, eux seuls à des temps différents, même une fois ensemble, à me donner du plaisir. Mais je ne restais qu'un jouet...

Vendredi soir a été l'amorce de quelque chose de libérateur. Samedi, hier, ça a été l'entre-deux nécessaire. Quelque chose, là aussi, qui me rappelait ce premier mort, ou ce dernier mort, finalement la frontière devient flou entre eux, tant ils se ressemblent, tant ils appartiennent au passé, tant cela est mort, cristallisé, sans autre effet que quelques cailloux lourds dans ma mémoire, insensibles au vents qui soulèvent et emportent, inertes, inamovibles et figés dans le temps et dans l'espace. Quelque chose donc d'anodin, de purement physique, d'inutile par moments, sauf que je pouvais parler de ce que je ressentais. Et puis il y a eu cette nuit de sommeil vers Bourg, dans un havre de paix et de confiance. I'm not happy, I'm not sad.

T. est entré de façon anodine dans ma vie, il y a plusieurs mois. Des rendez-vous ratés, des vies chargés, j'apprendrai que la sienne également. Je suis entré de façon anodine, dans l'appartement de T. Une déferlante m'accueillit. Que m'a t-il directement embrassé, me laissant ne sachant trop que faire, sinon répondre à ce baiser, et comme j'ai posé mes sacs, j'ai posé mes armes, canonné mes propres remparts ; j'ouvrais les brèches là où il voulait s'engouffrer, j'ai décadenassé violence et pureté, découvert émerveillé, et offert sur le champ à ce que nous partagions, des contrées encore vierges, insoupçonnées. Où personne n'avait encore posé ses lèvres.

T. et moi enlacés dans le salon. Nous dormons, une courte averse d'orages de fin d'après-midi. Je ne soupçonne rien. Il avait joui à s'en électriser la peau, j'avais joui à en perdre le souffle. J'immortalise ENFIN quelque chose de nouveau, d'autre, de différent, que je n'ai pas connu depuis plus d'une décennie que je n'ai jamais connu puisqu'aujourd'hui je suis différent, une sensation -et un sentiment je l'avoue- inconnu mais longtemps palpé du doigt : la sérénité. Cette sérénité mêlée à la peur. A l'heure de partir, je laissais avec T. ce qu'il y a de plus fort après une première rencontre : un enjeu

Pour la première fois, peut-être la première fois de toute mon existence, je pars de chez un homme non pas avec l'illusion crédule qu'en lui peut reposer mon bonheur. Il y a eu du bonheur dans ces heures-là, c'est évident. Mais, malgré l'excellente soirée barbecue chez notre collègue Ph., je n'avais qu'une idée obsédante, et elle est toujours présente à l'heure qu'il est, et j'espère pour les semaines à venir : pour la première fois de mon existence, j'ai envie d'apprendre à connaître quelqu'un. J'ai envie d'une relation d'un nouveau genre. Où je peux garder les pieds sur Terre. Je sais que c'est dans ses yeux, gris-bleus, romantiques sans être tourmentés, que roulent les courants marins qui, jadis, noyaient mes passions. 

Et qui aujourd'hui me bercent. Intensément. Paisiblement. 

 

Je me sens prêt.

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