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Carnet de bord d'un voyageur sans retour...
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7 juillet 2004

Ceux qui vous apprennent VRAIMENT quelquechose !

Allez, le vieux, magne ton cul...

Je terminais mes déboires de la journée par la case pharmacie, histoire de renouveler mes anti-dépresseurs du mois, après un passage cinglant à la FNAC (ah ! désolé monsieur, mais votre carte bleue est refusée), une volée de bois vert à la banque (où il me reste 400 euros pour finir le mois), et un prélèvement sanguin pour les raisons invoquées dans une note antérieure. J'étais naze, je voulais prendre mes médocs et me casser, et le vieux devant racontait sa vie.
Il accusa son intarissable bavardage en se retournant à mon adresse, alors que je tendais l'ordonnance à mon apothicaire. Ce vieil homme évoquait alors ses souvenirs de guerre, en s'excusant de la gêne occasionnée. J'entamai la conversation, diplomate :
       — Mais vous me dérangez pas du tout ! J'adore justement cette période de l'histoire...
       — Oh, vous savez, y'a pas grand chose à adorer de la Poméranie pendant l'hiver 41.

Je l'ai donc écouté, fasciné, me raconter comment on ne l'avait pas zigouillé du fait de son métier (dentiste) avant de rentrer en France au moment où la ligne de démarcation n'était plus qu'un fantôme de frontière. Retourner sur Lyon où ça commençait à barder, et tenir jusqu'à ce que...
Je l'écoutais en récupérant aussi un dépliant sur les MST et un dentifrice pour gencives avec mes pilules roses. Je l'écoutais me narrer son installation sur Lyon, l'acquisition d'un appart' avec son épouse alors qu'ils avaient pas un rond en poche, je le laissais me faire noter les "bonnes adresses" pour de bonnes affaires immobilières sur Lyon :
       — Il y en a encore, vous savez, mais elles ne sont pas là où on croit.
Et nous quittâmes la pharmacie, longeant pendant un moment la même rue.
Du haut de ses 90 ans, ce type m'épatait : par sa santé, son bon état mental, son élégance, sa simplicité.
Il m'épatait de tenir encore accroché à la rampe, et pourtant il était un enfant chétif. Un enfant qui a vu passer deux guerres mondiales, élevé trois enfants exerçant eux aussi des professions médicales. Il m'épatait en parlant d'achat et de vente d'appartements comme moi je le ferais pour des CD de musique. C'est pareil, me disait-il. Il m'épatait de sa lucidité sur la vie, homme de cette génération qui ne jetait pas les bouts de savonettes mais les gardait pour les fondre ensemble et en faire une nouvelle. De cette génération qui dînait d'un bol de lait et de pain fait maison. De cette génération qui savait que le but de la vie n'était pas en soi, mais hors-soi. Cette génération aujourd'hui vieille, presque disparue, que l'on n'écoute plus, et qui pourtant a TOUT à apporter.
Bien plus intéressante que les jeunes d'aujourd'hui, illettrés, gâtés, capricieux, égoïstes et velléïtaires, qui se regardent pousser le nombril au lieu de vivre pleinement et de s'investir dans les minutes qui s'écoulent, qui ne savent agir que par plaisir immédiat, jamais par réflexion.
Je lui faisais part de mes impressions et de mes doutes. De mon envie, moi aussi un jour d'avoir un toit à moi, de concrétiser mes projets. Mais du fait que je n'y croyais pas. Lui, dentiste, s'étant tué à la tâche pour réaliser ce qu'il voulait. Moi simple fonctionnaire, payé au lance-pierres, tremblant sur les 35 heures (qui m'auraient fait bosser dix heures de plus)
Il me fixa :
       — Mais ne dîtes pas de telles choses ! vous m'avez l'air déja vaincu, il ne faut jamais être vaincu.
       — Je ne suis pas vaincu,  relevai-je fièrement. Il y a juste que... vous m'étonnez !
       — Oh ! Arrêtez d'être étonné ! Et battez-vous !   m'exhorta t-il en me soulevant le bras.
Nous nous quittâmes à l'angle de nos rues respectives. Je me souviendrais de ce vieux nonagénaire, Claude FUCHEZ, j'ai bien retenu son nom.
Du coup, en rentrant, je me suis arrêté pour prendre chez l'épicier du coin d'énormes sacs poubelles. Trop de choses stagnantes restent ici et m'empêchent d'évoluer. Le vieux avait raison, à mon âge, il n'avait rien et ne savait pas non plus quelle tournure allait prendre sa vie. Tout était vide, tout était à faire.
À mon tour, j'ai besoin de faire place nette. L'avantage des grands sacs poubelles opaques, c'est qu'on ne voit pas ce qu'on jette une fois que c'est jeté. C'est plus simple pour tourner la page.

 

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Commentaires
U
Ce qu'ils vont devenir ? je ne sais pas. Dans ce monde morcelé par l'égoïsme où l'esprit de communauté devient trop suspect pour être honnête, bien peu se soucieront de porter un regard sur qui n'aborde pas une plastique accrocheuse. <br /> Espérons que passé la cinquantaine les esprits changeront (je pense à certains "quinqua" de Port-Galland).<br /> Mais pour cette génération, je crains que Brassens ait raison : "le temps ne fait rien à l'affaire..."
N
tout a fait d'accord avec toi une fois n'est pas coutume !!! je me demande ce que va devenir cette generation de fils de soixante-huitards libertaires dont la realisation personnelle ne passe que par la succession de plaisirs rapides. (comment meme imaginer SE REALISER plusieurs fois dans une vie alors que etre SOI est unique par definition ...) <br /> <br /> Comment va vieillir toute cette generation de pedes incapables de se caser, que vont ils etres lorsque devenus vieux et moches, lorsque toute leur raison d'etre ne sera plus ?
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